SYLVIANE CHATELAIN

DANS UN INSTANT

Sylviane Chatelain, la passion du fugace

Enquêtrice et dentellière du réel, l’auteure jurasienne donne avec «Dans un instant» des nouvelles de ses explorations Sylviane Chatelain, Prix Schiller en 1991 pour ses nouvelles De l’autre côté (Bernard Campiche, 1990), rassemble ce printemps une série de textes parus dans divers supports durant la décennie écoulée. L’occasion de redécouvrir de cette femme de plume née à Saint-Imier en 1950 et qui mène un patient et élégant travail d’écriture. Il y a quelque chose de la broderie, de la dentelle dans la minutie avec laquelle Sylviane Chatelain détaille le réel. Elle aime les entrelacs compliqués qui dévoilent ou évident; elle aime rendre soudain visibles les fils qui relient des histoires qui semblaient d’abord distinctes; elle aime la belle ouvrage, mais ses toiles d’écriture restent en devenir, comme effilochées, sans bordures bien définies... C’est qu’il s’agit de ne pas trop fixer le contour des choses. Sylviane Chatelain sait aussi se faire enquêtrice. Elle suit à la loupe les méandres qu’elle trace. Elle aime les mystères qui planent et ne les résout jamais tout à fait. Cette suspension fait le charme du «Livre» – étonnante séquence d’observation d’un livre ouvert, feuilleté par le vent, par un homme, séparé de l’objet par une frontière grillagée. La longue nouvelle intitulée «Exils», presque un petit roman, forme le cœur et le clou du recueil. Variation sur la vieillesse, la fuite, la mort, elle fait s’entrecroiser des thèmes comme la mort, la vieillesse, l’exil, la fuite, l’hôpital, les filiations, le tout sans jamais peser, en conservant leur part de pénombre à chaque personnage. Moins heureuses, les nouvelles plus clairement autobiographiques, où une mémoire nostalgique l’emporte sur l’imagination. L’ennui pointe parfois un peu. Reste une inventivité réelle, un attachement presque passionné à la disparition, au fugace, une délicatesse qui permettent à Sylviane Chatelain de faire entendre sa voix particulière.

ÉLÉONORE SULSER. Le Temps



La prose somptueuse de l’auteure jurassienne, née en 1950, sert à merveille ses nouvelles, souvent empreintes de mystère. Une étrange douceur enrobe les personnages dans leurs destins, entre résignation et désir de fuite. Tout comme dans son envoûtant roman précédent, Le Livre d’Aimée (2002), Sylviane Chatelain aime dessiner des situations à haute teneur métaphorique, en jouant savamment sur le registre du métadiscours. Dans un instant s’ouvre ainsi sur une nouvelle («Les Géraniums roses») qui présente à la fois l’histoire bizarre du vol d’un pot de fleurs et la façon par laquelle cette aventure émerge et se développe dans l’imagination de l’auteure. Tantôt mémorielles («Mes deux côtés», «Une voiture de rêve»), tantôt troublantes et kafkaïennes («L’Autre ville»), ces nouvelles trouvent leur point d’orgue dans la sublime métaphore portée par « Le Livre »: les pages mouillées par la pluie d’un volume retrouvé tout près de barbelés par un homme désespéré rappellent douloureusement que la littérature n’est qu’une trêve parmi les horreurs de l’Histoire.

PIERRE LEPORI. Viceversa Littérature