Dans un instant 

J’étais à côté de l’interrupteur. J’ai hésité, renoncé, je ne sais pourquoi, à allumer, d’ailleurs le couloir était faiblement, mais suffisamment éclairé par la lune ou les lumières de la fête. Et d’abord j’ai pensé que c’était un drap jeté là par une femme de chambre occupée à changer un lit, à une heure pourtant inhabituelle, et puis, au fur et à mesure que j’avançais, effrayé, que c’était un corps évanoui ou sans vie, le corps de la mariée, mais ce n’était que sa robe, la robe blanche des noces, étalée de biais dans l’étroit couloir, le bouquet enlacé par une manche à demi repliée, en bas les souliers couchés l’un à côté de l’autre, en haut le voile soigneusement déployé. Une robe ample, au tissu somptueux, le corsage, je m’en souviens, entièrement recouvert de fines et sinueuses broderies nacrées sur lesquelles j’allais me pencher, attiré par la silencieuse lueur qui émanait d’elles, par leur doux éclat de perles, quand j’ai cru entendre un très léger bruit, un frôlement, le frottement peut-être, devant moi, de pieds nus sur l’épais tapis de laine.













Bernard Campiche Editeur, 2010
200 pages