SYLVIANE CHATELAIN

LES ROUTES BLANCHES

Anna, Adèle, Étienne et Jeanne

«Les routes blanches», de Sylviane Chatelain, recueil de dix nouvelles paru en décembre dernier dans la collection «Le coup de dés» des Edi­tions de l'Aire, est une véritable révé­lation en tant que premier livre. Sous les titres «Anna», «Adèle», «Étienne et Jeanne» par exemple, Sylviane Chatelain nous glisse dans la peau de personnages en crise, nous fait chavirer avec eux, entrer dans leur danse.

Pas moyen de détourner la tête de cette «photographie dans un jour­nal». Pas moyen de rattraper le bon­heur là, ni le temps ici. Pas moyen d'arriver à dire, à communiquer.

Dans une écriture sans fioritures, sans effets, Sylviane Chatelain creuse sans pitié dans la chair de ses héros et indirectement dans celle du lecteur. «Les routes blanches», ce sont les errances de chacun d'entre nous avec l'angoisse comme seul compagnon. Un livre qui n'a donc rien de gai, rien de rassurant mais qui dépeint avec une justesse infinie toute la palette des fragilités humai­nes. Un voyage au-delà du sourire et des larmes mené, mais oui, avec beaucoup de bonheur et de talent.

CECILE DIEZI. L'Impartial


Ces petites choses de la vie

Elle a l'étoffe d'un écrivain, un vrai. On va tenter de dire comment. Elle est mère de quatre enfants. Contingence? Pas du tout. Les mots, ligne après ligne, page après page, ont besoin de longues plages de solitude. Observation et réflexion. Une mère de famille nombreuse peut, au mieux, grappiller çà et là du temps en tranches de saucisson. Sans cela, Sylviane Chatelain aurait écrit plus tôt. Et on l'aurait su. Un talent, ça se remarque. C'est aujourd'hui seulement qu'il parvient au lecteur. Ce talent-là est fait d'intelligence avec les gestes quotidiens, les objets qui disent une présence, une absence, avec les regards vides à force d'être répétés. Ces nouvelles sont la chronique d'une connaissance intime des choses et des proches, qui remplirait des carnets de voyage sans sortir de chez soi. La fenêtre cassée, l'oiseau, les enfants petits, qui s'en vont sac au dos dans la brume, la mort d'une vieille, le souvenir de la vie donnée, gluant et mystérieux, dans la mise au monde. Au flamboiement, Sylviane Chatelain préfère la concentration des énergies dans un périmètre restreint, exploré pouce par pouce. Parfois, fulgurance dérisoire et mortelle, surgit un corbeau noir. Dépression, somnifères, départ, brisent d'un coup la tranquille ordonnance des faits et gestes patiemment recommencés.

VALÉRIE BORY. Fémina


Les histoires ? Simples, très simples, pudiquement contées, faisant jaillir pourtant des éclairs d'intense et soudaine émotion. Les personnages ? Des femmes sensibles, lucides, rêvant, méditant, évaluant... Des hommes inattentifs, pressés, passant davantage encore à côté de la vie que leurs compagnes confinées au foyer. ...Femmes qui après avoir patiemment, honnêtement, offert leur amour à des êtres qui leur échappent, renoncent en dernière instance à leurs vains efforts systématiquement rejetés ou ignorés et qui sacrifient leurs aspirations trahies afin de sauvegarder une identité meurtrie mais inaliénable.

Absolument remarquable, de la part de Madame Chatelain, de suggérer tant de richesse et de nuances psychologiques et métaphysiques en si peu d'espace - quelque cent pages ... Un «Coup de Dés» augurant un avenir plus que prometteur.

Nouvelle Revue de Lausanne